jeudi 17 mai 2012

Déflagration carcérale

Prison, ce n'est pas que ce lieu, souvent gris, d'extérieur monumental, derrière de hauts murs de pierres ou de vieux coulis gris abjectes. La prison c'est aussi le monde qui s'enferme, comme une trappe, sur les trajectoires multiples qui le composent. Comment mieux comprendre cet empilement de cloisons qu'au fin fond des sous-sols ; comment vivent ceux qui sont au bout de la lumière ?

Oedipe déjà était emprisonné, dans sa condition d'aveugle, « Le destin, c'est quand tu commences à faire quelque chose et qu'il t'arrive des choses que l'on n'avait pas pensé à faire. » La vie est une prison car elle nous mène à sa guise, parfois loin des sources. Le premier rempart, c'est de naître.

Evidemment, quand les horizons se perdent au pied des tours, immenses, froides, emprisonnant ses citoyens comme une grande autorité horrible, les routes se coupent, parfois même les routes se coupent là où elles semblent les plus libres de se propager : « la route, cela toujours se termine ici à la prison ».
« et puis que finalement on se met à rouler aux phares parce que quoi faire d'autre et que le pays est si petit et qu'on ne veut pas du risque de passer les frontières, qu'on butte d'une bande à l'autre du pays »
Par l'écrit ils tentent d'abattre les lignes du destin, fatum, lourd, pour devenir voyants : « Des fois je dessine un oeil, après ça m'arrive de faire l'autre. L'oeil c'est l'avenir, c'est ce que j'essaye de voir. » Puisque donner la parole, l'écriture à ces enfermés, c'est faire naître le pouvoir de réduire à néant les frontières physiques, pour faire apparaître à l'orée des consciences les lueurs qui percent au travers des barreaux.

☛ François Bon, Prison, éditions Verdier, 1998.

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